Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intéressante, car elle était laide, disgracieuse et stupide, mais c’était une « paria », un rebut, et il n’en fallait pas davantage pour lui assurer la pitié de Quincey et le peu d’aide qu’il était en son pouvoir de donner. Il fut touché de la joie de cette pauvre créature en apprenant qu’elle ne serait plus seule, la nuit, dans les ténèbres du logis désert : « On ne pouvait pas dire que la maison fût grande, chaque étage en lui-même n’était pas très spacieux ; mais, comme il y en avait quatre, cela suffisait pour donner la vive impression d’une solitude vaste et sonore. Tout étant vide, le bruit des rats résonnait d’une façon prodigieuse dans le vestibule et la cage de l’escalier, de sorte qu’au milieu de maux réels et matériels, du froid et de la faim, l’enfant abandonnée avait encore plus à souffrir de la crainte des fantômes qu’elle s’était forgés elle-même. Contre ces ennemis-là, je pouvais lui promettre ma protection ; la compagnie d’un être humain était à elle seule une protection… »

« Nous nous étendions à terre, une liasse de papiers d’affaires pour oreiller, mais sans autre couverture qu’un grand manteau de cavalier. Nous finîmes pourtant par découvrir dans un grenier une vieille housse de canapé, un petit morceau de tapis et quelques autres guenilles, et nous fûmes alors un peu mieux. La pauvre enfant se serrait contre moi pour avoir plus chaud et pour être en sûreté contre ses ennemis les fantômes. Quand je n’étais pas trop malade, je la prenais dans mes bras, et elle n’avait pas trop froid de cette façon ; souvent, elle pouvait dormir quand cela m’était impossible. Dans les deux derniers mois de ces souffrances, je dormais beaucoup le jour ; j’étais sujet à de petits accès de somnolence qui me prenaient à toute heure. Mais le sommeil m’était plus pénible encore que la veille, car, en dehors de l’agitation que