Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même pas intéressant à suivre dans ses contes. C’est la partie banale et usée de son fantastique. Il suffira d’avoir constaté qu’ici encore, il n’est point sorti du monde occulte que plusieurs tâchent à faire rentrer dans le monde réel. De quelque côté qu’on l’envisage, Hoffmann n’a donc jamais dépassé, quand il faisait œuvre d’artiste, les limites où s’arrête le possible pour les imaginations mystiques. Comme il y en a eu dans tous les temps et qu’il y en aura toujours, il donnait ainsi satisfaction à un besoin de l’esprit humain, sans exiger de son lecteur un trop grand effort de crédulité.

De là son succès. Si la science a favorisé la renaissance du fantastique en lui fournissant des thèmes nouveaux, moins grossiers que les anciens, le matérialisme, que la science amène à sa suite, a avivé le besoin d’un à-côté, à défaut d’un au-delà, et il a disposé les âmes éprises de rêve à aimer les Hoffmann et les Poe. Ceux-ci venaient à point nommé pour consoler nos imaginations, brutalement sevrées du merveilleux, qu’on pourchasse à présent de toutes parts. Le merveilleux suppose l’ignorance ou, plutôt, l’inconscience des lois de la nature. Il a dans la science une ennemie irréconciliable, et l’ingrate humanité, orgueilleuse de son jeune savoir, s’est détournée de lui avec dédain, même lorsqu’il était le merveilleux divin. Elle a oublié tout ce qu’elle lui avait dû, depuis sa naissance, de doux et de bon. Elle a oublié que, sans lui, sans les amis surnaturels et tout-puissants dont il avait peuplé la terre et les cieux et qui jouaient auprès de nous le rôle de redresseurs de torts, l’homme n’aurait jamais eu cette foi bénie à une justice supérieure et réparatrice, dont la perte le laisse aujourd’hui meurtri et sans courage. Abandonné de tous ceux qui croyaient savoir mieux, le merveilleux s’est