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gales d’un récit à l’autre, sans doute en raison des conditions physiques où se trouvait l’auteur. Tantôt une pure hallucination lui fournit son point de départ ; il en tire ensuite toute une histoire, en ayant soin — c’est son procédé pour donner l’impression de la réalité — d’y introduire des détails et des personnages de la vie réelle, observés pendant les heures de lucidité où on le rencontrait trottinant d’un air fureteur. Tantôt son cerveau a conservé la faculté de diriger, dans une certaine mesure, ses visions, et elles obéissent alors à l’obsession de ce monde occulte dans lequel Hoffmann s’acharnait à pénétrer. Ce n’était pas une entreprise qui fût vue d’un bon œil par ses contemporains ; les âmes pieuses la jugeaient dangereuse et quelque peu satanique. Mais Hoffmann refusait d’avoir des scrupules : « On ne saurait nier, disait-il, l’existence du monde surnaturel qui nous environne, et qui se révèle souvent à nous par des accords singuliers et par des visions étranges. La crainte, l’horreur que nous éprouvons alors, tient à la partie terrestre de notre organisation : c’est la douleur de l’esprit, incarcéré dans le corps, qui se fait sentir… Peut-être est-ce la punition que nous réserve la nature, dont nous tentons sans cesse de nous éloigner comme des enfants ingrats. Je pense que, dans l’âge d’or, lorsque notre race vivait dans une bienheureuse harmonie avec toute la nature, nulle crainte, nul effroi ne venait nous saisir, parce que, dans cette paix profonde, dans cet accord parfait de tous les êtres, il n’y avait pas d’ennemi dont la présence pût nous nuire. » Ce sont les mauvaises consciences qui redoutent le monde occulte.

Parmi les contes ayant eu un trouble fonctionnel pour point de départ, Don Juan, qui me semble le chef-d’œuvre d’Hoffmann à tous égards, est fondé sur