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« Deux des enfants sont à moitié morts de faim. Un de ces hasards qui me conduisent souvent m’a porté là hier. Je leur ai donné tout ce que je possédais : mon manteau et quarante centimes. Ô misère ! Puis, je leur ai dit qu’une grande dame, une fée, une reine de dix-sept ans, viendrait dans leur taudis avec tout plein de pièces d’or, de couvertures, de pains pour les enfants. Ils m’ont regardé comme un fou. Je crois vraiment que je leur ai promis des rubis et des diamants, et, ces pauvres gens, ils n’ont pas bien compris, mais ils se sont mis à sourire et à pleurer.

« Ah ! si vous aviez vu ! Vite donc, accourez, avec vos grands yeux si doux, qui leur feront croire à l’apparition d’un ange, réaliser ce que votre pauvre poète a promis en votre nom. Donnez à cette bonne œuvre le prix de mes étrennes, car je veux absolument y concourir, ou plutôt remettez à D… les quatre-vingts francs que devait coûter le chef-d’œuvre auquel je ne veux plus penser, et je cours au Temple et chez le père Verdureau acheter tout un aménagement de prince russe en vacances.

« Ce sera beau, vous verrez ! Vous serez éblouie ! Je cours quêter chez Béranger. Au revoir, petite reine, à bientôt, au grenier de nos pauvres. Nos pauvres ! Je suis fier en écrivant ces mots. Il y a donc quelqu’un de plus pauvre que moi — de par le monde ! N’oubliez pas le numéro. Au cinquième, second couloir, la porte à gauche.

« Adieu, Mignon, chère Mignon, douce Mignon, providence des affligés, mignonne Mignon, si douce et si fine, si peu fière et si gentille ! Mettez votre robe à grande queue et vos souliers à talons ! Je leur ai promis, gros comme le bras, une grande princesse, plus puissante que tous les puissants de la terre. Ils