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le 25 octobre 1843) : — « Constantinople… — L’amabilité de Théophile en me dédiant, pour ainsi dire, son ballet et en entretenant le public de mon voyage m’a été d’autant plus sensible, que depuis ma maladie trop connue, il importait que mon retour à la santé fût constaté bien publiquement, et rien ne devait mieux le prouver qu’un voyage pénible dans les pays chauds ; ce n’a pas été l’un des moindres motifs de me le faire entreprendre[1]. » Hors ce sujet qui lui tient au cœur, ses lettres ne contiennent guère que des récits de voyage. Il semble n’avoir d’yeux et de pensées que pour les scènes pittoresques qui défilent devant lui. Annonçant à son père qu’il a renoncé, sans aucun regret, à visiter les ruines de Thèbes, il ajoute : « Les mœurs des villes vivantes sont plus curieuses à observer que les restes des cités mortes[2]. » Les détails qu’il donna au public, à son retour[3], sur les harems et les marchés d’esclaves, ne témoignaient pas non plus d’un esprit tourmenté par des idées abstruses. Ils sont d’un conteur spirituel et gai, qui n’annonce les Fromentin et les Loti ni par la couleur du style, ni par l’intuition des sentiments exotiques, et qui demeure à la surface des choses. On ne devine le cours souterrain de sa pensée qu’en arrivant aux chapitres sur les Druses et les Maronites.

En réalité, tandis qu’on le croyait tout occupé de sa femme jaune et autres incidents futiles, il ne songeait qu’à de nouvelles initiations à de nouvelles arcanes. Il absorbait avidement tout ce que l’Orient, qui en est si riche, lui fournissait d’idées cabalistiques et de légendes surnaturelles, et achevait de se troubler la

  1. Fonds Arsène Houssaye.
  2. La Presse, 2 décembre 1862.
  3. Les Scènes de la vie orientale ont paru d’abord dans la Revue des Deux Mondes (1846 et 1847).