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tômes. » Gérard de Nerval fait allusion dans ce passage à la grande tourmente du milieu de sa vie, qui emporta une première fois sa raison et après laquelle il n’eut plus que des répits.

Chaque nouvelle année l’avait trouvé plus âprement possédé de son étrange passion pour l’âme de femme qu’il poursuivait, avec la foi d’un occultiste sincère, dans ses migrations mystérieuses à travers les corps, et qu’il avait reconnue en dernier lieu sous les traits de Mlle Jenny Colon, alors actrice dans un petit théâtre, mais devenue rapidement une brillante cantatrice, et non moins célèbre par sa beauté que par sa jolie voix. À en juger par de nombreux exemples, la foi à l’occultisme est avant tout une question de tempérament ; on la subit, plutôt qu’on ne se la donne. Hoffmann, Poe et Quincey étaient des névrosés, Gérard de Nerval avait été prédestiné dès le berceau, de par sa pauvre machine mal réglée, à croire à tous les phénomènes « super-naturalistes ». Il excédait de ses divagations charmantes, beaucoup trop poétiques pour elle, la malheureuse comédienne qui s’obstinait à n’avoir été ni religieuse, ni reine de Saba, dans d’autres existences. Lui-même s’usait dans sa lutte désespérée pour obtenir « l’épanchement du rêve dans la vie réelle ». Il en négligeait son travail, et constatait avec douleur qu’il était moins avancé dans sa carrière que dix ans auparavant, alors que son jeune nom volait sur les lèvres des hommes accouplé à celui du glorieux auteur de Faust : — « Je vous envoie, écrivait-il à Mlle Jenny Colon, mon médaillon en bronze… Il date déjà, comme vous pouvez voir, de l’an 1831, où il eut les honneurs du Musée. Ah ! j’ai été l’une de nos célébrités parisiennes, et je remonterais encore aujourd’hui à cette place que j’ai négligée pour vous, si vous me donniez lieu de chercher à vous rendre fière de