Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parmi une quarantaine, et le reste est à l’avenant : Hermès, — Mémorial fatidique, — Livres sibyllins, — Horoscopes, — Lettres cabalistiques, — Mauvais œil, — Prophéties diverses. C’est d’un homme qui a abandonné la lutte contre les idées dont il avait, dans une heure de bon sens, mesuré la puissance et compris le péril.

Tout avait conspiré à lui brouiller la cervelle. Par une sorte de fatalité, les meilleures intentions tournaient contre lui. M. Labrunie avait repris son fils parce qu’il s’était aperçu que Montagny n’était pas sain pour lui, mais ce fut pour l’abandonner aux fantaisies d’un serviteur de plus de zèle que de prudence. Cet homme éveillait l’enfant avant l’aube pour le mener promener à la lueur des étoiles sur les collines de Sèvres et de Meudon. Gérard en resta noctambule et se familiarisa beaucoup trop tôt avec la population équivoque qui est maîtresse du pavé des grandes villes et de leur banlieue entre minuit et le point du jour.

Il reçut une forte éducation classique, complétée sous la direction paternelle par l’étude des langues vivantes. Sa précocité faisait l’orgueil de ses condisciples du collège Charlemagne. Il n’arrive pas souvent d’avoir pour voisin de pupitre en rhétorique ou en philosophie « un camarade imprimé et dont on parle dans les journaux[1] ». Gérard Labrunie avait été imprimé six fois en 1826, et ce n’était pas des vers d’amour ou des tragédies en cinq actes, comme en font d’ordinaire les collégiens ; c’était de la politique, de la satire, des poèmes séditieux à la gloire de Napoléon, ou contre les jésuites, « de partout chassés pour leurs crimes » ; c’étaient des Élégies nationales, imitées des Messéniennes et bourrées de belles pensées ; c’était,

  1. Notice de Théophile Gautier.