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noyée ou pendue, et que vous puissiez prendre des notes, ça vaudra dix guinées la feuille. Tenez ; nous avons eu l’Expérimentateur malgré lui, — c’est l’histoire d’un monsieur cuit au four, — sorti vivant ; il se porte très bien, — ça vous a eu un succès ! Et le Mort vivant ! Ce sont les sensations d’un monsieur enterré vif. Vous auriez juré que l’auteur avait passé sa vie dans un cercueil. Je vous citerai encore, parmi les bons modèles, les Confessions d’un mangeur d’opium. On a fait courir le bruit que c’était de Coleridge. Allons donc ! C’est de mon singe Juniper — je lui avais fait avaler un bon grog, chaud et sans sucre. — Voulez-vous que je lâche mes chiens ? Ce serait le plus simple. Ils vous auront avalée en cinq minutes, montre en main. Pensez donc ! quelles sensations ! — Tom ! ici, Tom ! lâchez-les, Dick ! » Miss Zénobie, à son grand regret, n’avait pas le temps d’être mangée, même en cinq minutes. M. Blackwood se dispensa de lâcher Tom, mais il donna à la bonne demoiselle une excellente leçon de style : « — Il y a beaucoup de manières d’écrire, lui disait-il judicieusement. Nous avons le ton didactique, le ton enthousiaste, le ton naturel, — fini, tout ça, usé jusqu’à la corde. Dans ces derniers temps, nous avons eu le style abrégé, qui a très bien pris. Jamais de virgules — Trois mots — Un point — Toujours un point — Et à la ligne ; jamais de paragraphe. Quelques-uns de nos meilleurs romanciers ont pris sous leur patronage le style élevé, un peu amphigourique et avec beaucoup d’interjections. Il faut que ça fasse rrrrrrrrrr, comme une toupie d’Allemagne ; le ronflement tient lieu de sens. Pas mauvais non plus, le ton métaphysique ; vous parlez objectivité et subjectivité ; vous ne manquez pas d’éreinter en passant un nommé Locke, vous saupoudrez de noms savants : le Gorgias, l’école éléate, Archytas de Tarente, Xénophane de