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perdu. Tu es aimée, adorée ! idolâtrée, jusqu’à mourir. Non, je ne guérirai pas, non, je n’essaierai pas de vivre, et j’aime mieux cela, et mourir en t’aimant vaut mieux que de vivre. Je me soucie bien de ce qu’ils disent ! Ils diront que tu as un autre amant, je le sais bien. J’en meurs, mais j’aime, j’aime…. Qu’ils m’empêchent d’aimer ! » Pourquoi se séparer ? Qu’y a-t-il entre eux ? Des phrases, des fantômes de devoirs. Qu’elle vienne le retrouver, ou qu’elle lui dise de venir…. Mais non ; toujours ces phrases, ces prétendus devoirs…. Et elle le laisse mourir de la soif qu’il a d’elle !

Un peu plus loin, dans la même lettre, une réflexion très sage, mais tardive : « Il ne fallait pas nous revoir. Maintenant c’est fini. Je m’étais dit qu’il fallait prendre un autre amour, oublier le tien, avoir du courage. J’essayais, je le tentais du moins…. » A présent qu’il l’a revue, c’est impossible ; il aime mieux sa souffrance que la vie[1].

En même temps qu’il s’éloigne de Paris, George Sand s’enfuit à Nohant comme affolée. Les lettres qu’elle adresse à ses amis sont des plaintes, d’animal blessé.—A Gustave Papet : « Viens me voir, je suis dans une douleur affreuse. Viens me donner une éloquente poignée de main, mon pauvre ami. Ah ! si je peux guérir, je payerai toutes mes dettes à l’amitié ; car je l’ai négligée et elle ne m’a pas abandonnée. » A Boucoiran : « Nohant,

  1. Revue bleue, 15 octobre 1892.