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Ailleurs, la sensation devient subtile, sans perdre de sa force. C’est de la poésie sensuelle, mais d’une sensualité très raffinée et très délicate :

    Qui ne sait que la nuit a des puissances telles,
    Que les femmes y sont, comme les fleurs, plus belles,
    Et que tout vent du soir qui les peut effleurer
    Leur enlève un parfum plus doux à respirer ?

Ailleurs encore, une sensation accidentelle ne fournit au poète qu’une épithète, et cela suffit pour faire tableau.

   . . . . . . . . . . . . . . Tout était endormi ;
    La lune se levait ; sa lueur souple et molle,
    Glissant aux trèfles gris de l’ogive espagnole,
    Sur les pâles velours et le marbre changeant,
    Mêlait aux flammes d’or ses longs rayons d’argent.

Musset avait vu la lumière de la lune se glisser à travers des vitraux, et il est obligé de la personnifier pour rendre sa vive impression de quelque chose d’aérien et de matériel à la fois, qu’on aurait pu saisir, et qui se coulait cependant par des fenêtres fermées. C’était très nouveau, très moderne ou, si l’on veut, très antique. Homère et Virgile ont des épithètes de ce genre, et, avant qu’il y eût une poésie écrite ou chantée, les vieux mythes traduisaient des impressions analogues. Ainsi Diane, venant baiser Endymion, coulait son corps souple et mol à travers le réseau des ramures.

Il est de même très antique, et très moderne à la fois, dans ses comparaisons, où il se montre entièrement dégagé du souci du mot noble, qui pr