sort des filles de roi est d’épouser le premier venu, selon les besoins de la politique ; mais cela lui coûte, par la faute d’une gouvernante romanesque qui lui a donné des sentiments bourgeois. Elsbeth le lui reproche doucement : « Pourquoi, lui dit-elle, m’as-tu donné à lire tant de romans et de contes de fées ? Pourquoi as-tu semé dans ma pauvre pensée tant de fleurs étranges et mystérieuses ? » Le mal est à présent sans remède. Au mépris de la raison d’État et de l’étiquette, son jeune cœur est gonflé de germes d’amour prêts à éclore, qu’il faut tuer en devenant la femme d’un homme « horrible et idiot ». Elsbeth s’y résigne, afin d’épargner la guerre à deux royaumes. Ce sacrifice, inspiré par l’idée toute chrétienne qu’on doit immoler l’amour à des devoirs plus hauts, paraît un monstrueux sacrilège à Musset, qui se déguise en Fantasio pour aller le dire à la jeune princesse, et cette nouvelle incarnation ne passe pas pour une des moins ressemblantes.
Il a été Fantasio—toujours par boutades—vers vingt ans. Sa conversation était alors riche d’imprévu, comme dans le dialogue du premier acte avec l’honnête Spark. Sa conduite déroutait toutes les prévisions, y compris les siennes. Son humeur procédait par soubresauts, selon qu’il traversait l’un ou l’autre des états d’esprit définis par M. Jules Lemaître avec une sagacité lumineuse. « Fantasio est un étudiant bohème à qui Musset a prêté son âme. Fantasio s’ennuie—parce qu’il a trop aimé ;