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ait la plus divine. « Les idées de Musset sur l’amour, a dit M. Jules Lemaître, rejoignent, à travers les siècles, celles des poètes primitifs. L’amour est le premier-né des dieux. Il est la Force qui meut l’Univers. Ce n’est point, dit Valentin à Cécile, l’éternelle pensée qui fait graviter les sphères, mais l’éternel amour. Ces mondes vivent parce qu’ils se cherchent, et les soleils tomberaient en poussière, si l’un d’eux cessait d’aimer. « Ah ! dit Cécile, toute la vie est là ! —Oui, répondit Valentin, toute la vie… » L’amour ainsi compris s’élève au rang de mystère sacré. Paganisme si l’on veut, mais grand et poétique.

La comédie du Chandelier doit venir la première dans une biographie de Musset, bien qu’elle n’ait été écrite qu’en 1835. Elle le met en scène à l’heure charmante et périlleuse où le collégien devenait homme et se réveillait poète. L’aventure de Fortunio, moins le dénouement, lui est arrivée en 1828, pendant l’été passé à Auteuil. Jacqueline habitait aux environs de Paris. Pour le bonheur de la contempler, de jouer avec son éventail ou de lui apporter un coussin, Musset traversait sans cesse la plaine Saint-Denis, et il n’existait alors ni chemins de fer ni tramways. Mais il avait dix-sept ans, l’âge héroïque de l’amour, et il était romantique.

Il a donné à Fortunio sa figure et sa tournure. « Un petit blond, dit la servante de Jacqueline.—Oui-da, réplique sa maîtresse, je le vois maintenant. Il n’est pas mal tourné, ma foi, avec ses cheveux sur l’oreille et son petit air innocent…. Et il fait la