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Sauf deux pièces d’importance secondaire (Une bonne fortune, Lucie), les premiers vers qu’il écrivit après le voyage d’Italie furent la Nuit de Mai (Revue des Deux Mondes, 15 juin 1835). Les trois autres Nuits, la Lettre à Lamartine, les Stances à la Malibran, se succédèrent à brefs intervalles. En 1838, le 15 février, lEspoir en Dieu vient clore la série. Le grand poète, ne se réveillera plus qu’un jour, trois ans après, pour écrire son admirable Souvenir (15 février 1841). Les meilleures de ses nouvelles et les chefs d’œuvre de son théâtre sont déjà achevés à cette date de 1838. Il avait alors vingt-sept ans. Après les promesses d’un incomparable printemps, après les rapides floraisons d’un trop court été, Alfred de Musset, on le sait, n’eut point d’automne ni d’hiver. Son œuvre entière tient dans l’espace de dix années, sur desquelles trois ou quatre ont été consacrées à réfléchir, à hésiter, à aimer et à s’en consoler.

Dans les poésies de cette seconde période, Musset n’est plus romantique, si l’on ne considère que la forme. Non content d’abandonner les conquêtes du Cénacle, il se retourne à présent contre ses anciens alliés. Il est agressif, malicieux ; il écrit la célèbre lettre de Dupuis et Cotonet sur l'Abus qu’on fait des adjectifs (Revue des Deux Mondes, 15 sept. 1836), où deux bons bourgeois de la Ferté-sous-Jouarre, ayant entrepris de comprendre « ce que c’était que le romantisme », découvrent que c’est une manière d’attrape-nigaud, fabriqué avec du vieux-neuf pris à Shakespeare, à Byron, à Aristophane, aux Évangiles,