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présente comme ayant toujours eu un excellent jugement dans les affaires publiques. Devenue veuve avant vingt ans, elle ne porta depuis ce moment ni bijoux ni ornements, ni vêtement de couleur ; elle n’était point belle, mais avait une physionomie noble et gracieuse. Jamais tête couronnée ne fut moins accessible à la flatterie. Un brahme ayant composé un livre à sa louange, elle en écouta la lecture ; mais quand il eut fini, elle dit « qu’une pauvre femme toute remplie d’imperfections telle qu’elle était ne méritait pas de telles louanges ; » et prenant le livre, le fit jeter dans le Narbuddah, qui coulait au pied de la terrasse où la scène se passait. Sa mémoire demeura dans une telle vénération dans ses États, qu’elle y passa, qu’elle y passe encore, pour une incarnation de la divinité. Le grand nombre d’offrandes religieuses et d’aumônes de Ahalya-Bae est peut-être de nature à provoquer le sourire des lecteurs européens ; elles paraissent excessives à l’historien anglais [1] qui nous a transmis cette vie. Lui-même en fit l’observation à un brahme qui avait long-temps siégé dans les conseils d’Ahalya-Bae. Il demanda à ce brahme : « Croyez-vous qu’en employant à l’entretien d’une nombreuse armée l’argent qu’elle dépensait en aumônes et en bonnes œuvres, Ahalya n’eût pas conservé de même pendant trente ans la paix dans son pays, et fait le bonheur de ses sujets et de ses voisins ? » Le brahme répon-

  1. Sir John Malcolm, Inde centrale.