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de proie, d’insectes et d’animaux carnassiers couvraient ces rivages ; ils dévorèrent, en partie du moins, cette multitude de cadavres, et ce dernier fléau fut écarté. Au milieu de ces scènes terribles, où tous les liens de la famille et de la société avaient été rompus, les idées religieuses subsistèrent encore dans toute leur force. L’Indou, qui ne trouvait plus, ni herbe, ni écorce d’arbre, dont l’estomac venait de rejeter la terre qu’il s’était efforcé d’avaler, n’en persista pas moins à refuser toute nourriture animale. Le bœuf, la vache sacrée, les autres animaux, également affamés, cherchaient eux-mêmes leur nourriture au milieu de cette multitude affamée : il fut sans exemple qu’un seul d’entre eux fut sacrifié. Les prières et les exemples des Anglais, l’approche d’une mort inévitable, trouvèrent les Indous également inflexibles : c’étaient des martyrs tombant chaque jour par milliers devant l’autel de leurs divinités. Trois à quatre millions, c’est-à-dire plus du tiers des habitants du Bengale, furent engloutis dans cette catastrophe. Et chose plus horrible encore que tout cela, c’est qu’un grand nombre de fortunes datèrent de cette époque. D’avides marchands, à Calcutta ou dans les villages voisins, avaient accaparé le peu de riz récolté. Ils s’enrichirent en spéculant sur la faim, et laissèrent en proie à une horrible misère le petit nombre de ceux qui survivraient à ce terrible désastre.

FIN DU TOME DEUXIÈME.