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malheureux habitants qui allaient chercher ailleurs des secours qu’ils ne devaient pas trouver. On les voyait marcher au hasard sur toutes les routes, par familles et par bandes ; les uns dévoraient les herbes des champs, l’écorce des arbres, les jeunes arbres eux-mêmes ; d’autres essayaient d’endormir les tourments de la faim, en avalant de la terre que le plus souvent leur estomac rejetait. Parmi ces malheureux, il en tombait à chaque instant pour ne plus se relever ; d’autres traînaient avec peine les restes d’une existence douloureuse, tous errant çà et là dans un morne silence, dans un état effrayant de stupidité. Tous les sentiments de la nature paraissaient éteints, tout lien social rompu : une peignée d’herbes, un morceau d’écorce d’arbre excitait un combat où s’entre-tuaient des frères, des pères et des fils. Chacun, dévoré de ses propres douleurs, était devenu indifférent à celles des autres. Dans les environs de Calcutta, où ils s’étaient rassemblés en plus grand nombre, c’était un entassement confus, un mélange affreux de vivants, de morts et de mourants ; les survivants étaient devenus trop peu nombreux pour enterrer ceux qui succombaient chaque jour ; on les jetait par tas dans le Gange. Les eaux du fleuve se corrompirent ; elles exhalèrent des vapeurs pestilentielles, la ville en fut entourée comme d’un sombre voile. Des fièvres épidémiques vinrent ajouter alors à l’effroi général et firent craindre la peste ; crainte qui pourtant ne se réalisa pas : une prodigieuse quantité d’oiseaux