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vase avant ses voisins ; de là des combats où plusieurs périssent étouffés, épuisés par la violence de leurs efforts. Les soldats ayant approché une lumière de la fenêtre, considéraient avec de grands éclats de rire le spectacle de ces infortunés luttant les uns contre les autres, ce qui achève d’augmenter leur rage. À l’aide de leurs chapeaux, ceux qui se trouvent dans le voisinage de la fenêtre essaient encore une fois de faire passer de l’eau aux plus éloignés, mais sans plus de succès. La fièvre qui dévore ces malheureux augmente d’intensité ; l’air chargé des émanations de tant de corps pressés, étouffés les uns contre les autres, était devenu infect. Sur le minuit, les uns tombent dans une léthargie stupide, les autres dans un délire furieux ; quelques uns se livrent à toutes sortes d’invectives contre les soldats, qu’ils veulent exaspérer assez pour les pousser à faire feu dans la prison ; il en est qui blasphèment, d’autres qui adressent au ciel des prières suppliantes et résignées. La plupart, épuisés de fatigue, se laissent tomber sur leurs amis déjà gisants par terre. À deux heures du matin, 94 cadavres jonchaient déjà le sol de la prison, et ce nombre devait s’accroître encore. Dans la matinée, le nabob en ayant envoyé l’ordre, la porte de la prison fut enfin ouverte ; mais les morts et les mourants étaient tellement entassés auprès de la porte, ces derniers dans un tel état de faiblesse, qu’ils ne purent d’abord sortir ; il fallut que les soldats de garde, après leur avoir frayé un chemin, les ai-