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de l’Europe, il apportait la roideur systématique d’un général allemand là où il fallait l’heureux et souple génie d’un Clive ou d’un Bussy. Excellent lieutenant du maréchal de Saxe, peut-être aurait-il eu lui-même du succès à la tête d’une armée en Europe ; il aurait pu mener des bourgmestres, des curés, des fournisseurs ; nul homme n’était moins propre à se mettre au fait de la politique orientale, à traiter avec des nabobs, des subahdards. Déjà vieux quand il arriva dans l’Inde, il apportait des opinions arrêtées, des idées fixées sur toutes choses, dans un monde qui ne ressemblait en rien au monde d’où il venait, où s’étaient formées et développées ses opinions. Dans une position aussi fausse, en raison de ce contraste complet entre ses facultés et sa situation, il arriva que tout tourna contre lui, ses bonnes qualités aussi bien que ses mauvaises, ses vertus autant que ses vices. La destinée s’était permis une ironie sanglante en l’appelant sur un théâtre pour lequel il était si peu fait. Un loyal gentilhomme, un hardi soldat, un habile officier monta sur l’échafaud, flétri de la triple accusation d’ignorance, de lâcheté, de trahison. Si l’histoire peut expliquer cette terrible catastrophe, l’historien ne saurait la raconter sans un profond attendrissement.