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gnant de s’agenouiller, se plongea dans le sein un compas dont il s’était servi pour dessiner des cartes géographiques ; le coup pénétra de quatre pouces sans être mortel. Ce paroxysme de fureur passé, il prêta l’oreille aux paroles de son confesseur, et, sur les exhortations de cet ecclésiastique, reprit même assez d’empire sur lui pour le prier de dire à ses juges qu’il leur pardonnait. L’ecclésiastique avait été autorisé à promettre à Lally qu’il lui serait permis de se rendre en place de Grève dans son carrosse, aux flambeaux, suivi d’un corbillard, et des voitures de quelques uns de ses amis qui avaient eu le courage de lui faire offrir ce dernier témoignage de dévouement ; ces lugubres honneurs lui furent refusés. Une mauvaise charrette qui par hasard passait devant la prison, fut mise en réquisition pour le conduire au lieu du supplice. En apercevant ce sale tombereau, Lally dit au curé : « J’étais payé pour m’attendre à tout de la part des hommes ; mais vous, monsieur, vous, me tromper !… » L’ecclésiastique répondit de toute la force de sa voix : « Monsieur le comte, dites qu’on nous a trompés tous deux. » C’est dans ce triste équipage que Lally se rendit au lieu du supplice, la tête découverte, un fort mauvais habit sur le corps, un bâillon dans la bouche, qui débordait de trois pouces sur les lèvres, car on craignait l’effet de ses invectives sur le peuple. Il monta d’un pas ferme sur l’échafaud, s’agenouilla de son propre mouvement, et reçut le coup mortel. Il était dans la soixante-sixième année de son âge.