Page:Barchou de Penhoën - Histoire de la conquête de l’Inde par l’Angleterre, tome 2.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mamelle, l’enfant qui s’effraie et demande grâce, le vieillard qui voudrait conserver quelques jours de vie, rien n’est épargné. Le sacrifice achevé, les exécuteurs se hâtent de regagner le rempart, car déjà les Européens s’avancent. À cet assaut quelques grenadiers réussissent pénétrer enfin dans l’une des tours ; Rangaroo s’élance pour la défendre, mais tombe frappé d’une balle de mousquet qui lui a traversé la poitrine. Ses amis, exaspérés de sa chute, courent pour le venger ; ce mouvement dégarnit de leurs défenseurs les autres côtés du fort, il est emporté sans difficulté. Cependant les assiégés ne cessent pas de combattre ; chacun d’eux s’élance sur un adversaire, dont il ne triomphe que pour se précipiter sur un autre, jusqu’à ce qu’il tombe enfin lui-même ; alors il emploie le peu de forces qui lui restent à tourner son poignard contre son propre sein. Ce massacre à peine terminé laisse apercevoir dans l’intérieur de la forteresse un spectacle encore plus terrible : là, la flamme qui mugit, les cadavres à demi consumés, les morts et les mourants qui gisent au milieu de leur sang, épouvantent et touchent les plus vieux soldats, les vétérans les plus endurcis. La victoire a perdu tous ses enivrements ; on voit les vainqueurs s’interroger mutuellement d’un regard étonné, attendri, comme s’accusant de la sanglante catastrophe. Alors un vieillard, tenant dans ses bras un jeune enfant, sort tout-à-coup d’une retraite cachée ; il marche au hasard, d’un pas chancelant, jetant au-