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crainte de se faire du même coup d’implacables ennemis des deux autres. Pour éviter cette extrémité, et se voyant dans la nécessité de perdre le fruit de sa trahison, il résolut de le faire périr secrètement. Un Afghan, qu’il chargea de cette commission, pénétra dans la prison de Chunda-Saheb : celui-ci, accablé d’années et d’infirmités, suite des fatigues de la guerre, gisait sur la terre nue. Se doutant du dessein qui amenait l’Afghan, il le supplia de le faire parler à Monackyee ; il avait des choses d’une grande importance à communiquer à ce dernier. L’Afghan, sans répondre, apprêtant ses armes, lui enfonça son poignard dans le cœur. Monackyee lui ayant aussitôt fait couper la tête, s’empressa de la faire présenter sur un plateau au nabob, qui, dit-on, vit alors pour la première fois le visage d’un rival qu’il avait combattu si long-temps ; elle fut ensuite pendue au cou d’un chameau qui fit cinq fois le tour de la ville, à travers une multitude immense accourue de toutes parts pour contempler ce sanglant trophée. Embaumée et enfermée dans une cassette de bois précieux, cette même tête fût plus tard envoyée à Delhi sous une nombreuse escorte ; car c’est là une formalité dont tout nabob vainqueur d’un rival est toujours pressé de s’acquitter. Les talents et le caractère de Chunda-Saheb eussent été dignes d’un meilleur sort ; l’absence de Bussy de l’armée française, la présence de Lawrence et de Clive dans celle des Anglais, firent son malheur.