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Un des directeurs de la Compagnie appuya une demande qu’il adressa au ministère à ce sujet, offrant de le cautionner de sa fortune entière et même de sa personne. Le ministère ne voulut pas être vaincu en générosité : il déclina cette offre, et permit à La Bourdonnais de se rendre en France sur parole.

La Bourdonnais, parti d’Angleterre le 22 février 1748, arriva le dimanche suivant à Versailles ; là l’attendait un tout autre accueil qu’à Londres. De nombreux mémoires, signés par des habitants de Pondichéry et par des membres du conseil, avaient prévenu contre lui la cour et le public. Il fut arrêté par ordre du roi et conduit à la Bastille ; il demeura deux ans et deux mois au secret le plus rigoureux, ne pouvant obtenir des juges, ce qu’il ne cessait d’attendre, de demander, de solliciter avec les plus vives instances. Il était accusé d’avoir méconnu les ordres du roi, lésé les intérêts de la Compagnie, trahi l’État, vendu Madras aux Anglais. Un frère qu’il aimait tendrement fut arrêté et emprisonné comme son complice. Dans sa prison, La Bourdonnais trouva moyen d’écrire ses mémoires : des mouchoirs trempés dans de l’eau de riz lui servaient de papier ; du marc de café devenait de l’encre ; une pièce de six liards, roulée et fendue, était sa plume. Au bout de trois années, un jugement solennel vint proclamer son innocence à la face de la France. Mais il ne devait pas jouir longtemps de ce triomphe tardif. Des maladies contractées dans sa prison avaient détruit sa santé ; il en