Je suis parti bien loin des âmes que j’aimais.
Je marche le cœur vide et les mains conquérantes,
Je marche devant moi sur les routes pleurantes
Et j’irai doucement sans m’arrêter jamais.
Nous ne toucherons plus les choses anciennes,
Vous ne me suivrez pas où je m’en suis allé ;
Vos âmes auraient froid sous ce ciel désolé,
Et vos petites mains trembleraient dans les miennes.
Mon souvenir, la nuit, qu’il soit paisible et vieux,
Pour que l’aube en entrant dans la chambre encor vague
Et touchant faiblement votre front qui divague
Ne vous retrouve pas des larmes dans les yeux.
Vous pourrez, en quittant l’odeur des chèvrefeuilles,
Lentes, vous promener sur les grands prés unis,
Aller dans les bosquets, pleins du concert des nids,
Et voir un peu d’azur dans les dessins des feuilles.
Page:Barbusse - Pleureuses, 1920.djvu/24
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.