remplissent ce réduit de leurs rotondités imposantes.
— C’est là vot’ petite provision personnelle ?
— Elle sait y faire, la vieille, ronchonne Barque.
La mégère se retourne, agressive.
— Vous ne voudrez pas qu’on se ruine à cette misère de guerre ! C’est assez de tout l’argent qu’on perd à ci et à ça.
— À quoi ? insiste Barque.
— On voit que vous n’risquez pas vot’ argent, vous.
— Non, nous ne risquons que not’ peau.
On s’interpose, inquiets du tour dangereux pour nos intérêts immédiats que prend ce colloque. Cependant la porte du cellier est secouée et une voix d’homme la traverse :
— Eh, Palmyre ! clame la voix.
La bonne femme s’en va clopin-clopant, en laissant prudemment la porte ouverte.
— Y a du bon ! C’est j’té ! nous fait Lamuse.
— Quels salauds que ces gens-là ! murmure Barque, qui ne digérait pas cette réception.
— C’est t’honteux et dégueulasse, dit Marthereau.
— On dirait qu’tu vois ça pour la première fois !
— Et toi, Dumoulard, gourmande Barque, qui y dit d’un p’tit air pour sa volerie d’vin : « Que voulez-vous, c’est militaire ! » Ben, mon vieux, t’as pas les foies !
— Quoi faire d’autre, quoi dire ? Alors, il aurait fallu nous mettre la ceinture, pour la table et pour l’aramon ? Elle nous ferait payer son vin quarante sous qu’on y prendrait tout de même, n’est-ce pas ? Alors, faut s’estimer bien heureux. J’avoue, je n’étais pas rassuré, et j’drelinguais qu’a veule pas.
— J’sais bien que c’est partout et toujours la même histoire, mais c’est égal…
— I’s’ démerde l’habitant, ah ! oui ! I’ faut bien qu’i’ y en ait qui fassent fortune. Tout le monde ne peut pas s’faire tuer.
— Ah ! les braves populations de l’Est !