Page:Barbusse - Le Feu : journal d’une escouade.djvu/380

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Et ceux qui disent : « J’engraisse de la guerre, et mon ventre en mûrit ! »

— Et ceux qui disent : « La guerre a toujours été, donc elle sera toujours ! »

— Il y a ceux qui disent : « Je ne vois pas plus loin que le bout de mes pieds, et je défends aux autres de le faire ! »

— Il y a ceux qui disent : « Les enfants viennent au monde avec une culotte rouge ou bleue sur le derrière ! »

— Il y a, gronda une voix rauque, ceux qui disent : « Baissez la tête, et croyez en Dieu ! »

Ah ! vous avez raison, pauvres ouvriers innombrables des batailles, vous qui aurez fait toute la grande guerre avec vos mains, toute-puissance qui ne sert pas encore à faire le bien, foule terrestre dont chaque face est un monde de douleurs — et qui, sous le ciel où de longs nuages noirs se déchirent et s’éploient échevelés comme de mauvais anges, rêvez, courbés sous le joug d’une pensée ! – oui, vous avez raison. Il y a tout cela contre vous. Contre vous et votre grand intérêt général, qui se confond en effet exactement, vous l’avez entrevu, avec la justice — il n’y a pas que les brandisseurs de sabres, les profiteurs et les tripoteurs.

Il n’y a pas que les monstrueux intéressés, financiers, grands et petits faiseurs d’affaires, cuirassés dans leurs banques ou leurs maisons, qui vivent de la guerre, et en vivent en paix pendant la guerre, avec leurs fronts butés d’une sourde doctrine, leurs figures fermées comme un coffre-fort.

Il y a ceux qui admirent l’échange étincelant des coups, qui rêvent et qui crient comme des femmes devant les couleurs vivantes des uniformes. Ceux qui s’enivrent avec la musique militaire ou avec les chansons versées