dit de faire, en attendant qu’on nous dise de nous en aller.
— Et voilà, bâille Mesnil Joseph.
Les faces cuites, tannées, incrustées de poussière, opinent, se taisent. Évidemment, c’est là l’idée de ces hommes qui ont, il y a un an et demi, quitté tous les coins du pays pour se masser sur la frontière : Renoncement à comprendre, et renoncement à être soi-même ; espérance de ne pas mourir et lutte pour vivre le mieux possible.
— Faut faire ce qu’on doit, oui, mais faut s’démerder, dit Barque, qui, lentement, de long en large, triture la boue.
— Il l’faut, souligne Tulacque. Si tu t’démerdes pas, on l’fera pas pour toi, t’en fais pas !
— I’ n’est pas encore fondu, c’ui qui s’occupera de l’autre.
— Chacun pour soi, à la guerre !
— Videmment, videmment.
Un silence. Puis, du fond de leur dénuement, ces hommes évoquent des images savoureuses.
— Tout ça, reprend Barque, ça n’vaut pas la bonne vie qu’on a eue, un temps, à Soissons.
— Ah ! foutre !
Un reflet de paradis perdu illumine les yeux et, semble-t-il, les trognes, déjà attisées par le froid.
— Tu parles d’un louba, soupire Tirloir, qui s’arrête, pensivement, de se gratter, et regarde au loin, à travers la terre de la tranchée.
— Ah ! nom de Dieu, toute cette ville quasi évacuée et qui, en somme, était à nous ! Les maisons, avec les lits…
— Les armoires !
— Les caves !
Lamuse en a les yeux mouillés, la face en bouquet, et le cœur gros.