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de fatigue comme d’une quantité de blessures, tirés vers la terre ennemie, gardant juste assez d’énergie pour repousser la douceur qu’il y aurait eu à se laisser mourir.


Nous arrivâmes dans une espèce de grande plaine. Et là, on s’arrêta, on se jeta par terre, au bord d’un tertre ; on s’y adossa, incapables de faire un pas de plus.

Mes vagues compagnons et moi, nous ne bougeâmes plus. La pluie nous lava la face ; elle nous ruissela dans le dos et la poitrine, et pénétrant par l’étoffe des genoux, remplit nos souliers.

On serait peut-être tués au jour, ou prisonniers. Mais on ne pensait plus à rien. On ne pouvait plus, on ne savait plus.