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— Le réveil des condamnés, dit Marthereau.

On s’écarte devant eux, avec une espèce d’admiration et une espèce de terreur.

Quand ils sont passés, Marthereau hoche la tête et murmure :

— De l’aut’ côté, y en a qui s’apprêtent aussi, avec leur uniforme gris. Tu crois qu’i’s s’en ressentent pour l’assaut, ceux-là ? T’es pas fou ? Alors, pourquoi qu’i’ sont venus ? C’est pas eux, j’sais bien, mais c’est euss tout de même pisqu’ils sont ici… J’sais bien, j’sais bien, mais tout ça, c’est bizoarre.

La vue d’un passant change le cours de ses idées :

— Tiens, v’la Truc, Machin, l’grand, tu sais ? C’qu’il est immense, c’qu’il est pointu, c’t’être-là ! Tant qu’à moi, j’sais bien que j’suis pas grand tout à fait assez, mais lui, i’ va trop haut. Il est toujours au courant de tout, c’double-mètre ! Comme savement de tout, y en a pas un qui fasse la grille. On va y demander pour une cagna.

— S’il y a des gourbis ? répond le passant surélevé en se penchant sur Marthereau comme un peuplier. Pour sûr, mon vieux Caparthe. Y a qu’ça. Tiens, là – et déployant son coude, il fait un geste indicateur de télégraphe à signaux – Villa von Hindenburg, et ici, là : Villa Glücks auf. Si vous n’êtes pas contents, c’est qu’ces messieurs sont difficiles. Y a p’t’êtr’ quéqu’ locataires dans l’fond, mais de locataires pas remuants, et tu peux parler tout haut d’vant eux, tu sais !

— Ah ! nom de Dieu !… s’écria Marthereau un quart d’heure après que nous fûmes installés dans une de ces fosses équarries, y a des locataires qu’i’ nous disait pas, c’t’affreux grand paratonnerre, c’t’infini !

Ses paupières se fermaient, mais se rouvraient, et il se grattait les bras et les flancs.

— J’ai la lourde ! Pourtant, pour ronfler, c’est pas vrai. C’est pas résistable.

Nous nous mîmes à bâiller, à soupirer, et finalement