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dans les poches. Et on sort pêle-mêle, en tirant derrière soi les sacs par les courroies, les couvertures, les musettes.

Dehors, on est assourdis. Le vacarme de la fusillade a centuplé, et nous enveloppe, sur la gauche, sur la droite et devant nous. Nos batteries tonnent sans discontinuer.

— Tu crois qu’ils attaquent ? hasarde une voix.

— Est-ce que j’sais ! répond une autre voix, brièvement, avec irritation.

Les mâchoires sont serrées. On avale ses réflexions. On se dépêche, on se bouscule, on se cogne, en grognant sans parler.

Un ordre se propage :

— Sac au dos !

— Il y a contre-ordre… crie un officier qui parcourt la tranchée à grandes enjambées, en jouant des coudes.

Le reste de sa phrase disparaît avec lui.

Contre-ordre ! Un frisson visible a parcouru les files, un choc au cœur fait relever les têtes, arrête tout le monde dans une attente extraordinaire.

Mais non : c’est contre-ordre seulement pour les sacs. Pas de sac ; la couverture roulée autour du corps, l’outil à la ceinture.

On déboucle les couvertures, on les arrache, on les roule. Toujours pas de paroles, chacun a l’œil fixe, la bouche comme impétueusement fermée.

Les caporaux et les sergents, un peu fébriles, vont çà et là, bousculant la hâte muette où les hommes se penchent :

— Allons, dépêchez-vous ! Allons, allons, qu’est-ce que vous foutez ! Voulez-vous vous dépêcher, oui ou non ?

Un détachement de soldats portant comme insigne des haches croisées sur la manche, se frayent passage et, rapidement, creusent des trous dans la paroi de la tranchée. On les regarde de côté en achevant de s’équiper.

— Qu’est-ce qu’ils font, ceux-là ?

— C’est pour monter.