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Une appréhension vague s’empare des quatre énormes chasseurs de feu, à mesure qu’ils s’enfoncent avec la nuit dans cette sorte de chemin monstrueux.

Pépin, qui est à présent en tête, s’arrête, et tend la main pour qu’on s’arrête.

— Un bruit de pas… disent-ils à voix contenue, dans l’ombre.

Alors, au fond d’eux, ils ont peur. Ils ont eu tort de quitter tous leur abri depuis si longtemps. Ils sont en faute. Et on ne sait jamais.

— Entrons là, vite, dit Pépin, vite !

Il désigne une fente rectangulaire, à niveau du sol.

Tâtée avec la main, cette ombre rectangulaire s’avère pour être l’entrée d’un abri. Ils s’y introduisent l’un après l’autre : le dernier, impatient, pousse les autres, et ils se tapissent, à force, dans l’ombre massive du trou.

Un bruit de pas et de voix se précise et se rapproche.

Du bloc des quatre hommes qui bouche étroitement le terrier, sortent et se hasardent des mains tâtonnantes. Tout à coup, voici Pépin qui murmure d’une voix étouffée :

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Quoi ? demandent les autres, serrés et calés contre lui.

— Des chargeurs ! dit à voix basse Pépin… Des chargeurs boches sur la planchette ! Nous sommes dans le boyau boche !

— Mettons-les.

Il y a un élan des trois hommes pour sortir.

— Attention, bon Dieu ! Bougez pas !… Les pas…

On entend marcher. C’est le pas assez rapide d’un homme seul.

Ils ne bougent pas, retiennent leur souffle. Leurs yeux braqués à ras de terre voient la nuit remuer, à droite, puis une ombre avec des jambes, se détache, approche, passe… Cette ombre se silhouette. Elle est surmontée d’un casque recouvert d’une housse sous laquelle on