à monter son bouteillon, tout en le gourmandant d’avoir ce funeste défaut d’être troué.
— Oh là là, quand ce s’ra-t-i’ fini, toute c’te guerre ! gémit un demi-dormeur.
Un cri de révolte entêté et incompréhensif jaillit :
— I’s veul’nt not’ peau !
Puis c’est un : « T’en fais pas ! » aussi obscur que le cri de révolte.
… Je me réveille longtemps après, tandis que deux heures sonnent et je vois dans une blafarde clarté, sans doute lunaire, la silhouette agitée de Pinégal. Un coq, au loin, a chanté. Pinégal se soulève à moitié sur son séant. J’entends sa voix éraillée :
— Ben quoi, c’est la pleine nuit, et v’là un coq qui pousse son gueulement. Il est mûr, c’coq.
Et il rit, en répétant : « Il est mûr, c’coq », et il se rentortille dans la laine et se rendort avec un gargouillis où le rire se mêle de ronflements.
Cocon a été réveillé par Pinégal. Alors, l’homme-chiffre pense tout haut et dit :
— L’escouade avait dix-sept hommes quand elle est partie pour la guerre. Elle en a, à présent, dix-sept aussi, avec les bouchages de trous. Chaque homme a déjà usé quatre capotes, une du premier bleu, trois bleu fumée de cigare, deux pantalons, six paires de brodequins. Il faut compter par bonhomme deux fusils : mais on ne peut pas compter les salopettes. On a renouvelé vingt-trois fois nos vivres de réserve. À nous dix-sept, nous avons eu quatorze citations, dont deux à la brigade, quatre à la division et une à l’armée. On est resté une fois seize jours dans les tranchées sans arrêt. On a été cantonné et logé dans quarante-sept villages différents jusqu’ici. Depuis le commencement de la campagne, douze mille hommes sont passés par le régiment, qui en a deux mille.
Un étrange zézaiement l’interrompt. C’est Blaire que