— Moi, j’ai fait des entailles dans la bretelle. Tu vois, j’ai découpé l’bord.
— Moi, j’y ai enroulé, en haut, à la bretelle, un cordon de soulier – et comme ça, je l’reconnais à la main comme avec l’œil.
— Moi, un bouton mécanique. Pas d’erreur. Dans l’noir je l’sens tout de suite et j’dis : « C’est ma carabine. » Pa’ce que, tu comprends, y a des gars qui s’en font pas, i’s s’les roulent pendant que l’copain nettèye, pis i’ s’foulent l’poignet en douce sur la clarinette de la poire qu’a nettéyé ; pis même i’s n’ont pas la trouille ed’ dire, après : « Mon capitaine, j’ai un fusil qu’est olrède. » Moi, j’marche pas dans la combine. C’est l’système D, et l’système D, mon vieux phénomène, y a des fois où c’que j’en ai pus que marre.
Et les fusils, tout en se ressemblant, diffèrent comme les écritures.
— C’est curieux et bizarre, me dit Marthereau, on monte demain aux tranchées, et il n’y a pas encore de viande saoule ni d’futur bois, ce soir et – coute ! – pas de disputes encore. Tant qu’à moi…
» Ah ! j’dis pas, concède-t-il tout de suite, que ces deux-là n’soient pas un peu garnis, ni un peu vaseux… Sans être tout à fait mûrs, ils ont l’nez sale, quoi… »
— C’est Poitron et Poilpot, de l’escouade à Broyer.
Ils sont couchés et parlent bas. On distingue le nez rond de l’un qui brille comme sa bouche, juste à côté d’une bougie, et sa main qui fait, un doigt levé, de petits gestes explicatifs suivis fidèlement par une ombre portée.
— J’sais allumer le feu, mais j’sais pas l’rallumer quand il est éteint, déclare Poitron.
— Ballot ! dit Poilpot, si tu sais l’allumer, tu sais l’rallumer, vu qu’si tu l’allumes, c’est qu’il a été éteint, et tu peux dire que tu l’rallumes quand tu l’allumes.
— Tout ça c’est du bourre-mou. J’sais pas calculer