Page:Barbusse - Le Feu : journal d’une escouade.djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Dans les premiers temps, c’était franc, mon vieux. Y en avait, j’l’ai vu, qui collaient leurs musettes et même leur armoire dans une voiture de gosse qu’i’s poussaient sur la route.

— Ah ! tu parles ! c’était l’bon temps d’la guerre ! Mais on a changé tout ça.

Sourd à tous les discours, Volpatte, affublé de sa couverture comme d’un châle, ce qui lui donne l’air d’une vieille sorcière, tourne autour d’un objet qui gît par terre.

— J’m’demande, dit-il, en ne s’adressant à personne, si j’vas emporter ce sale bouteillon-là. C’est l’seul de l’escouade et j’l’ai toujours porté. Oui, mais i’ fuit comme un panier à salade.

Il ne peut pas prendre une décision, et c’est une vraie scène de séparation.

Barque le considère de côté et se moque de lui. On l’entend qui dit : « Gaga, maladif. » Mais il s’arrête dans son persiflage :

— Après tout, on s’rait à sa place, qu’on s’rait aussi con qu’lui.

Volpatte remet sa décision à plus tard :

— J’verrai ça demain au matin, quand j’mont’rai Philibert.


Après l’inspection et le remplissage des poches, c’est au tour des musettes, puis des cartouchières, et Barque disserte sur le moyen de faire entrer les deux cents cartouches réglementaires dans les trois cartouchières. En paquets, c’est impossible. Il faut les dépaqueter, et les placer l’une à côté de l’autre debout, tête-bêche. On arrive ainsi à bonder chaque cartouchière sans laisser de vide et à se faire une ceinture qui pèse dans les six kilos.

Le fusil a été nettoyé déjà. On vérifie l’emmaillotage de la culasse et le bouchage – précautions indispensables à cause de la terre des tranchées.

Il s’agit de reconnaître facilement chaque fusil.