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t’es toujours avantageux d’en avoir un grand, parce que si t’as un quart qui tient juste un quart, pour qu’tu ayes un quart de jus, de vin, ou d’eau bénite ou d’n’importe quoi, i’ faut qu’on l’emplisse rasibus et on l’fait jamais dans les distrib, et, si on l’fait, tu l’renverses.

— J’te crois qu’on l’fait plutôt pas, dit Paradis, outré quand il évoquait ces procédés. L’fourrier i’ sert en foutant l’doigt dans l’quart, et il a collé deux gnons sur l’cul du quart. Total, t’es fabriqué du tiers, et tu t’accroches trois belles ceintures l’une sur l’autre.

— Oui, dit Barque, c’est vrai. Mais faut pas non plus un quart trop grand, parc’ qu’alors celui qui t’sert, i’ s’méfie ; i’ t’en fout une goutte avec la tremblote, et pour ne pas t’en donner plus que la m’sure, i’ t’en donne moins, et tu t’mets la tringle, avec la soupière dans les pattes.

Cependant, Volpatte remettait un à un dans ses poches les objets dont il avait composé un étalage. Arrivé au porte-monnaie, il le considéra d’un air plein de pitié.

— Il est salement plat, le frère.

Il compta :

— Trois francs ! Mon vieux, faudrait voir à m’remplumer, sans ça, en r’descendant, j’suis verdure.

— T’es pas l’seul à avoir pas lourd dans son morlingue.

— L’soldat dépense plus qu’n’gagne, y a pas d’erreur. Je m’demande c’que d’viendrait celui qui n’aurait que son prêt.

Paradis répondit avec une simplicité cornélienne :

— I’ crèv’rait.

— Et tenez, moi, voilà ce que j’ai dans ma poche, qui ne me quitte pas.

Et Pépin, l’œil émerillonné, montra un couvert en argent.

— Il appartenait, dit-il, à la guenon où on a logé à Grand-Rozoy.

— Il lui appartient peut-être bien encore ?

Pépin eut un geste vague où l’orgueil se mêlait à la modestie, puis il s’enhardit, sourit et dit :