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aiguille ; des ciseaux pliants et une cuiller-fourchette également pliante ; un bout de crayon et un bout de bougie ; un tube d’aspirine contenant aussi des comprimés d’opium, plusieurs boîtes de fer-blanc.

Voyant que j’inspecte en détail sa fortune personnelle, Volpatte m’aide à identifier certains articles.

— Ça, c’est un vieux gant d’officier en peau. J’coupe les doigts pour boucher l’canon d’mon arbalète ; ça, c’est du fil téléphonique, la seule affaire avec quoi tu attaches tes boutons d’capote si tu veux qu’ils tiennent. Et ici, là-dedans, tu t’demandes c’qu’y est ? Du fil blanc, solide, et pas d’celui-là qu’t’es cousu quand on te livre des effets neufs, et qu’on r’tire avec la fourchette, du macaroni au fromage, et, là, un jeu d’aiguilles sur une carte postale. Les épingles de nourrice, a sont là, à part.

» Et ici, c’est les papyrus. Tu parles d’une biothèque. »

Il y a, en effet, dans l’étalage des objets issus des poches de Volpatte, un étonnant amoncellement de papiers : C’est la pochette violette de papier à lettres dont la mauvaise enveloppe imprimée est éculée ; c’est un livret militaire dont la couverture, racornie et poussiéreuse comme la peau d’un vieux routier, s’effrite et diminue de partout ; c’est un carnet en moleskine éraillée bondé de papier et de portraits : au milieu trône l’image de la femme et des petits.

Hors de la liasse des papiers jaunis et noircis, Volpatte extrait la photographie et me la montre une fois de plus. Je refais connaissance avec Mme Volpatte, une femme au buste opulent, aux traits doux et mous, entourée de deux garçonnets à col blanc, l’aîné mince, le cadet rond comme une balle.

— Moi, dit Biquet, qui a vingt ans, je n’ai que des photos de vieux.

Et il nous fait voir, en la plaçant tout près de la bougie, l’image d’un couple de vieillards qui nous regardent,