sans le voir un angle de l’estaminet où les poilus s’entassent, se coudoient, se pressent et se bousculent pour passer.
C’était assez bon, évidemment, ce petit blanc, mais que peuvent ces quelques gouttes dans le désert de Fouillade ? Le cafard n’a pas beaucoup reculé, et il est revenu.
Le méridional se lève, s’en va, avec ses deux verres de vin dans le ventre et un sou dans son porte-monnaie. Il a le courage de visiter encore un estaminet, de le sonder des yeux et de quitter l’endroit en marmottant pour s’excuser : « Hildepute ! I’ n’est jamais là, c’t’animau-là ! »
Puis il rentre au cantonnement. Celui-ci est toujours aussi bruissant de rafales et de gouttes. Fouillade allume sa chandelle, et, à la lueur de la flamme qui s’agite désespérément comme si elle voulait s’envoler, il va voir Labri.
Il s’accroupit, le lumignon à la main devant le pauvre chien qui mourra peut-être avant lui. Labri dort, mais faiblement, car il ouvre aussitôt un œil et remue la queue.
Le Cettois le caresse et lui dit tout bas :
— Y a rienn à faire. Rienn…
Il ne veut pas en dire davantage à Labri pour ne pas l’attrister ; mais le chien approuve en hochant la tête avant de refermer les yeux.
Fouillade se lève un peu péniblement à cause de ses articulations rouillées, et va se coucher. Il n’espère plus qu’une chose maintenant : dormir, pour que meure ce jour lugubre, ce jour de néant, ce jour comme il y en aura encore tant à subir héroïquement, à franchir, avant d’arriver au dernier de la guerre ou de sa vie.