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semblement : Fouillade, le torse nu, qui se lavait à grande eau.

Maigre comme un insecte, agitant de longs bras minces, frénétique et tumultueux, il se savonnait et s’aspergeait la tête, le cou et la poitrine jusqu’au grillage proéminent de ses côtes. Sur sa joue creusée en entonnoir l’énergique opération avait étalé une floconneuse barbe de neige, et elle accumulait sur le sommet de son crâne une visqueuse toison que la pluie perforait de petits trous.

Le patient utilisait, en guise de baquet, trois gamelles qu’il avait remplies d’eau trouvée on ne savait où dans ce village où il n’y en avait pas, et, comme il n’existait nulle part, dans l’universel ruissellement céleste et terrestre, de place propre pour poser quoi que ce fût, il fourrait, après usage, sa serviette dans la ceinture de son pantalon, et mettait, chaque fois qu’il s’en était servi, son savon dans sa poche.

Ceux qui étaient encore là admiraient cette gesticulation épique au sein des intempéries, et répétaient en hochant la tête :

— C’est une maladie de propreté qu’il a.

— Tu sais qu’i’ va avoir une citation, qu’on dit, pour l’affaire du trou d’obus avec Volpatte.

— Ben, mon vieux cochon, les a pas volées, ses citations !

Et on mêlait, sans bien s’en rendre compte, les deux exploits, celui de la tranchée et celui-là, et on le regardait comme le héros du jour, tandis qu’il soufflait, reniflait, haletait, rauquait, crachait, essayait de s’essuyer sous la douche aérienne, par coups rapides et comme par surprise, puis, enfin, se rhabillait.

Une fois lavé, il a froid.

Il tourne sur place et se poste, debout, à l’entrée de la