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laquelle, l’instant d’avant, se trémoussaient des plaques de pluie.

Le murmure de Volpatte reprit dans le fatras du déambulement et les remous des pas pataugeurs.

Je l’entendais, en regardant se balancer devant moi les épaules d’une pauvre capote pénétrée jusqu’aux os.

C’était après les gendarmes qu’en avait alors Volpatte.

— À m’sure que tu tournes le dos à l’avant, t’en vois de plus en plus.

— I’ n’ont pas l’même champ d’bataille que nous.

Tulacque avait une vieille rancune contre eux.

— Faut voir, dit-il, comment dans les cantonnements les frères se développent, pour chercher d’abord où bien loger et bien manger. Et puis, après qu’la chose du bidon est réglée, pour choper les débits clandestins. Tu les vois guetter avec la queue de l’œil les portes des casbas pour voir si des fois des poilus n’en sortent pas en douce, avec un air d’avoir deux airs, en r’luquant d’droite et d’gauche et en se léchant les moustaches.

— Y en a d’bons : j’en connais un, dans mon pays, la Côte d’Or, d’où j’suis…

— Tais-toi, interrompit péremptoirement Tulacque. I’ s’valent tous ; y en a pas un pour raccommoder l’autre.

— Oui, i’ sont heureux, dit Volpatte. Mais tu crois p’t’êt’ qu’i’ sont contents ? Pas du tout… I’s roussent.

Il rectifia :

— Y en a un qu’j’ai rencontré et qui roussait. Il était bougrement embêté par la théorie : « C’est pas la peine d’apprendre la théorie, qu’i’ disait, elle change tout l’temps. T’nez, le service prévôtal ; eh bien, vous apprenez c’qui fait le principal chapitre de la chose, après c’n’est plus ça. Ah ! quand cette guerre s’ra-t-elle finie ? » qu’i’ disait.

— I’s font ce qu’on leur dit de faire, ces gens, hasarda Eudore.