Page:Barbusse - Le Feu : journal d’une escouade.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Pour voir passer toute l’armée française qui tient les lignes – je ne parle pas de c’qui est installé en arrière, où il y a deux fois plus d’hommes encore, et des services comme des ambulances qu’ont coûté 9 millions et qui vous évacuent des 7000 malades par jour – pour la voir passer dans des trains de soixante wagons qui se suivraient sans arrêt à un quart d’heure d’intervalle, il faudrait quarante jours et quarante nuits.

— Ah ! disent-ils.

Mais c’est trop pour leur imagination ; ils se désintéressent, se dégoûtent de la grandeur de ces chiffres. Ils bâillent, et suivent d’un œil larmoyant, dans le bouleversement des galopades, des cris, de la fumée, des mugissements, des lueurs et des éclairs – au loin, sur un embrasement de l’horizon, la ligne terrible du train blindé qui passe.