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pourri de scribes, de plantons et d’ordonnances, et tout l’bazar à la voile. Tu vois d’ici au milieu d’quoi s’trouve un général commandant de Corps ! »

À ce moment, nous fûmes environnés par un groupe de soldats porteurs, en plus de leur harnachement, de caisses et de paquets ficelés dans du papier, qu’ils traînaient cahin-caha et posèrent à terre en faisant : ouf.

— C’est les secrétaires d’État-Major. Ils font partie du Q.G. – du Quartier Général – c’est-à-dire de quelque chose comme la suite du Général. Ils trimbalent, quand ils déménagent, leurs caisses d’archives, leurs tables, leurs registres et toutes les petites saletés qu’il leur faut pour leurs écritures. Tiens, tu vois, ça, c’est une machine à écrire que ces deux-là – ce vieux papa et c’petit boudin – emportent, la poignée enfilée dans un fusil. Ils sont en trois bureaux, et il y a aussi la Section du Courrier, la Chancellerie, la S.T.C.A. – Section Topographique du Corps d’Armée – qui distribue les cartes aux divisions et fait des cartes et des plans, d’après les aéros, les observateurs et les prisonniers. C’est les officiers de tous les bureaux qui, sous les ordres d’un sous-chef et d’un chef – deux colons – forment l’État-Major du C.A. Mais le Q.G. proprement dit, qui comprend aussi des ordonnances, des cuisiniers, des magasiniers, des ouvriers, des électriciens, des gendarmes, et les cavaliers de l’Escorte, est commandé par un commandant.

À ce moment, nous recevons un terrible renfoncement collectif.

— Eh ! attention ! rangez-vous ! crie, en guise d’excuse, un homme qui, aidé de plusieurs autres, pousse une voiture vers les wagons.

Le travail est laborieux. Le sol est en pente et la voiture, dès qu’on cesse de s’arc-bouter contre elle et de se cramponner aux roues, recule. Les hommes sombres se pressent sur elle en grinçant et grondant, comme sur un monstre, au sein des ténèbres.