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ce que je n’ai pas… Car il n’y a pas de raison pour que cela finisse ; je vais ainsi pas à pas sur la piste de l’infini, et cet errement sans horizon est comparable aux astres du firmament. Je lève des yeux perdus, vers eux. Je souffre. Si j’ai commis une faute, ce grand malheur, où pleure l’impossible, me rachète. Mais je ne crois pas au rachat, à ce fatras moral et religieux. Je souffre et, sans doute, j’ai l’air d’un martyr.

Il faut que je rentre pour accomplir ce martyre dans toute sa longueur, dans toute sa pauvre longueur ; il faut que je continue à contempler. Je perds mon temps dans l’espace de tout le monde. Je reviens vers la chambre qui s’ouvre comme un être.

Je passai deux jours vides, à regarder sans voir.

J’avais recommencé à la hâte des démarches et réussi non sans peine à gagner quelques nouveaux jours de répit, à me faire oublier encore.

Je demeurai entre ces murs, fiévreusement tranquille, et désœuvré comme un prisonnier. Je marchais dans ma chambre une grande partie de la journée, attiré par l’ouverture du mur, n’osant plus m’en éloigner.

Les longues heures s’écoulaient ; et, le soir, j’étais brisé par mon infatigable espérance.

Dans la nuit du deuxième jour, je me réveillai soudain. Je me découvris, avec un frisson, hors