Quelle aumône plus riche donner à ces deux amants, quand, de nouveau, leur joie sera morte au milieu d’eux ! Car cette scène n’est pas la dernière de leur double histoire. Ils recommenceront, comme tous ceux qui vivent. De nouveau, ils essaieront l’un par l’autre, comme ils pourront, de se défendre contre les défaites de la vie, de s’exalter, de ne pas mourir ; de nouveau, ils chercheront, dans leurs corps mélangés, un soulagement et une délivrance… Ils seront de nouveau repris par la grande vibration mortelle, par la force du péché qui tient à la chair comme un lambeau de chair. Et de nouveau, l’envolée de leur rêve et du génie de leur désir affolera la séparation et en fera doute, exhaussera la bassesse, parfumera l’ordure, sanctifiera les parties les plus maudites et les plus sombres de leurs corps, qui servent aussi aux fonctions sombres et maudites, et mettra là un instant toute la consolation du monde.
Puis encore, encore, lorsqu’ils verront qu’ils ont placé en vain l’infini dans le désir, ils seront punis de leur grandeur.
Ah ! je ne regrette pas d’avoir violé le simple et terrible secret ; ce sera peut-être ma seule gloire d’avoir embrassé et contenu ce spectacle dans toute son envergure, et d’y avoir compris que la vérité vivante était plus triste et plus grandiose que je n’étais, jusque-là, capable de le croire.