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Après avoir montré que nous sommes divins, il disait que leurs profonds éléments sont seuls communs aux êtres. Les caractères, les tempéraments, sous la réaction des circonstances innombrables, sont aussi multiples et divers que les traits des visages, mais au fond, il y a de grandes ressemblances nues, qui s’équivalent comme les pâleurs des crânes. Aussi toute œuvre artistique qui assimile deux cas, et dit qu’un visage est à l’image d’un autre, est une hérésie, à moins d’être saintement profonde.

— C’est pour cela, dit l’homme, que le vrai poème de l’humanité n’est fait ni de couleur locale, ni de documentation sociale, ni d’amusements verbaux, ni d’ingénieuses intrigues. Il vous saisit par un froid religieux. Il est constitué par le secret affreusement monotone et éternellement déchirant des êtres, autour desquels l’ombre et la solitude effacent le lieu où ils sont et l’époque où ils passent.

Il parla ensuite de la poésie pour dire que ce qui faisait le prix d’un poème, c’était uniquement le mouvement, c’est-à-dire la façon dont partait chaque strophe, dont chaque début de phrase dégageait la vérité, et que ce qui en constituait la difficulté, c’est qu’il fallait posséder l’impression d’ensemble, pour se guider sur elle, — avant d’avoir commencé ; qu’on voyait bien par l’élaboration d’un poème, si court qu’il fût, que créer, c’est commencer par la fin. Puis il parla des mots eux-mêmes, les mots, choses vagues, saisissement, , lorsqu’ils sont arrangés, mais qui, au moment où on