Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/314

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui-même, qui est toutes ces espèces de cieux à la fois, est tombé sur nos têtes comme le tonnerre, et son infini, c’est le nôtre.

Nous avons la divinité de notre grande misère, et notre solitude, avec son labeur d’idées, de larmes, de sourire, est fatalement divine par son étendue parfaite et son rayonnement… Quel que soit notre mal et notre effort dans l’ombre, et le travail inutile de notre cœur incessant, et notre ignorance abandonnée, et les blessures que sont les autres êtres, nous devons nous considérer nous-mêmes avec une sorte de dévotion. C’est ce sentiment qui dore nos fronts, relève nos âmes, embellit notre orgueil et malgré tout nous consolera, quand nous nous serons habitués à tenir chacun dans nos pauvres occupations toute la place que tenait Dieu. La vérité elle-même donne une caresse effective, pratique et pour ainsi dire religieuse, au suppliant d’où s’épanouit le ciel.

… Il parlait doucement, à bâtons rompus, au sujet de ses vers, mais il versait à celle qui l’écoutait des paroles de moins en moins importantes, et ses propos allaient pour ainsi dire en se rapetissant.

Elle était en bas de lui, mais la face levée ; lui, plus haut, mais penchant. Une bague brillait dans le groupe. Je voyais l’ovale du visage féminin, la courbe du front de l’homme, et, à partir d’eux, l’ombre qui se propageait sans bornes.