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protestation qu’on sentait uniquement formelle et, au fond, toute chatouillée… Le reste aurait été accueilli avec une vive et grandissante joie, à mesure que les malpropres plaisanteries s’épandaient et touchaient ces hommes en habit noir et ces femmes décolletées.

Après le premier acte où s’ébauchent les amours de Jean Darcy avec la belle et compréhensive Jeanne de Floranges (rôle tenu par une grande actrice), on pouvait constater dans les couloirs ce mouvement fébrile qui accompagne les succès :

— Des mots, des mots ! disait-on avec ravissement. Rien que des mots !

Le second acte. Il était pareil au premier. Bien qu’il fût mouvementé et varié, il était construit de la même façon : par de légères et artificielles combinaisons d’épisodes et de dialogues, visant à l’effet. D’ailleurs, cet effet était parfois brutal et poignant à cause de la violente illusion que produit à notre sensibilité le spectacle des émotions d’un être semblable à nous qui se meut à quelques pas. Mais la vanité du procédé perçait partout. Oui, ce n’étaient que des mots, des phrases, qui se dissipaient. Oui, ces gens « jouaient » et imitaient mal, pour nous la montrer, quelque vérité sérieuse. Mais ils ne me trompaient pas.

Le second acte se termine. Le troisième commence. Jeanne de Floranges se demande si elle a le droit d’enchaîner sa destinée à celle du jeune artiste qui l’aime autant qu’elle l’aime, mais qui est très pauvre et lui sacrifiera s’il l’épouse — à cause des accaparantes nécessités matérielles —