XVI
Je suis allé dans les rues comme un exilé, moi l’homme ordinaire, moi qui ressemble tant, moi qui ressemble trop, à tous. J’ai parcouru les rues, j’ai traversé les places, les yeux fixés sur ce qui m’échappe. J’ai l’air de marcher ; mais il semble que je tombe, de rêve en rêve, de désir en désir… Une porte entr’ouverte, une fenêtre ouverte, d’autres qui s’orangent doucement sur les façades bleuies par le soir, m’angoissent… Une passante me frôle : une femme qui ne me dit rien de ce qu’elle aurait à me dire… C’est à la tragédie d’elle et de moi que je songe. Elle est entrée dans une maison ; elle a disparu ; elle est morte.
… Le corps ébloui par un autre parfum qui vient de s’enfuir, je reste là, assailli de mille pensées, étouffé, sous la robe du soir… De la fenêtre fermée d’un rez-de-chaussée, à côté de laquelle je me trouve, une harmonie s’élève. Je perçois, comme je percevrais des paroles humaines distinctes, la beauté d’une sonate, avec son mouvement profond ;