proie des insectes, du pullulement irrésistible de leurs larves. Innombrable envahissement qui se multiplie ! Linné a pu dire que trois mouches consomment un cadavre aussi vite que le fait un lion.
J’ai ouvert un livre que j’ai là. Je me plonge dans le détail. J’y apprends ce qui m’attend, moi ! J’y apprends mon histoire future.
Les animaux des cimetières se succèdent par périodes ; chaque espèce vient en son temps, de sorte qu’on reconnaît l’âge d’un cadavre à la foule qui s’en repaît. Il y a ainsi à travers les corps abandonnés huit immigrations successives qui correspondent aux huit phases de la fermentation putride par laquelle, peu à peu, l’intérieur du corps s’extériorise.
Je veux les connaître, voir d’avance ce que je ne verrai pas — et palpiter ce que je ne ressentirai pas.
De petites mouches, les curtonèvres, hantent le corps quelques instants avant la mort… Je les entendrai. Certaines émanations leur indiquent l’imminence d’un événement qui va leur procurer avec une abondance débordante des aliments pour leurs larves, et lourdes d’œufs, elles s’acharnent déjà à pondre dans les narines, dans la bouche, et aux coins des yeux.
À peine la vie a-t-elle cessé, que d’autres mouches affluent. Dès que le pauvre souffle de corruption devient sensible, d’autres encore : la mouche bleue, la mouche verte, dont le nom scientifique est Lucilia Cæsar, et la grande mouche au thorax rayé de blanc et noir qu’on appelle « grand sarcopha-