Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prendrait dans son âme si blanche et qu’on connaissait vite — pour se soumettre à lui, et lui permettre le pauvre rapprochement ?

— Dites ? murmura-t-il.

Nous regardâmes sa bouche… Elle souriait presque déjà, cette bouche suppliée comme un autel, comme la figure d’une divinité, précieuse des espérances qui s’épanchaient vers elle seule, en même temps que toutes les beautés du soir.

Le moribond, sentant venir l’acceptation, murmura :

— J’aime la vie…

Il secoua la tête :

— J’ai si peu de temps qui me reste, si peu de temps à moi, que je voudrais ne plus dormir la nuit.

Puis il se tut pour l’entendre.

Elle a dit : oui, et touché de sa main — à peine — la main du vieillard.

Et malgré moi, mon attention impitoyable s’est aperçue que ce geste était empreint d’une solennité théâtrale, d’une grandeur consciente d’elle-même. Même loyal et chaste, sans arrière-pensée, le sacrifice porte un orgueil glorificateur que je vois, moi qui vois tout.

Dans l’hôtel, on ne parle que des étrangers. Ils occupent trois chambres, ont un nombre considérable de bagages, et l’homme est, paraît-il, fort riche, quoique de goûts très simples. Ils resteront