Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’était pas moi : Elle était là… Et tous, à ce moment, m’aimaient avec terreur ; et tous pensaient à moi, pensaient à mon corps ; la mort d’une femme a quelque chose d’impudique, puisqu’il s’agit d’elle toute.

« Et toi, tu étais là aussi, ta pauvre petite figure crispée par une douleur et une énergie muette — et notre vaste amour n’était plus que toi et mon image, et tu n’avais guère le droit de parler de moi… À la fin, tu es parti, comme si tu ne m’avais jamais aimée.

« Et, en revenant, glacée, je me suis dit que ce cauchemar était la plus réelle des réalités, que c’était la chose simple, vraie par excellence, et que toutes les actions que je vivais en pleine vie étaient du mirage à côté. »

Elle eut un cri étouffé qui la fit tressaillir toute, longtemps.

— Quelle désolation j’ai traînée jusqu’à la maison ! Dehors, ma tristesse a tout assombri, bien que le soleil étincelât. Le ravage de toute la nature qu’on fait autour de soi, le monde de douleur qu’on apporte dans le monde ! Il n’y a pas de beau temps qui tienne quand notre tristesse s’avance.

« Tout m’apparaissait frappé, condamné, par le mauvais ange de la vérité qu’on ne voit jamais.

« La maison s’est présentée à moi comme elle est vraiment, au fond : nue, trouée, blanchissante… »

Et tout à coup, elle se rappelle une chose qu’il