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LA MORT

Et dont une autre enfin doit recevoir le prix.
Non, je ne ſerai point l’inſtrument de ma perte ;
Et puiſque votre main à Brutus eſt offerte,
C’eſt à lui déſormais d’engager le Senat
A remettre à Céſar le deſtin de l’Etat.
Je m’attens qu’en ſecret, blâmant ſes injuſtices ;
Céſar connoîtra mieux le prix de mes ſervices.
Rome, plus qu’il ne penſe, aime la liberté :
Mais quand même Brutus domteroit ſa fierté ;
A vos communs efforts quand tout ſeroit poſſible,
Songez que j’y puis mettre un obſtacle invincible ;
Et que ne ſuivant plus que mon juſte tranſport…

Octavie.

Ah cruel ! achevez de me donner la mort,
Avec nos ennemis ſoyez d’intelligence,
Allez contre Céſar animer leur vengeance ;
Et ſuivant en aveugle un tranſport furieux,
Chargez-vous de remplir les menaces des Dieux ;
Ainſi donc un Heros qui me tient lieu de pere
Verra trancher ſes jours par une main ſi chere :
Helas ! quand je craignois de ſi funeſtes coups,
Aurois-je pu penſer qu’ils partiroient de vous ?

Antoine.

Ceſar m’eſt toûjours cher, & plus cher que moi-même :
Mais enfin c’eſt par lui que je perds ce que j’aime ;
Et de quelque fureur que je me puiſſe armer,
Vous excuſeriez tout, ſi vous ſçaviez aimer.
Je vous en dis aſſez pour vous faire comprendre